Par Michel William, agronome
Source: Page Facebook de Michel William, 19 juillet 2013
Le président Martelly et le gouvernement du premier ministre Laurent Lamothe sont ils des bluffers qui jouent avec Haïti comme on joue au poker ? Après la découverte du bluff du virus AH1N1 qui visait la levée de l’embargo sur les œufs et les poulets de chair dominicains en voulant faire noyer le H5N2 dans l’oubli pour faire porter le poids de l’embargo par le virus de la grippe humaine qui n’en est pas responsable c’est le bluff du benzoliv et des 116 millions de plantules de reboisement du pays qui soulève les préoccupations des haïtiens. Le reboisement du pays est trop sérieux pour être l’objet de bluff mal fagoté. Le reboisement du pays est un must. Il y va de l’avenir de nos enfants, de la sécurité des investissements publics et privés approuvés par le parlement, mis en œuvre par l’exécutif avec l’appui du pouvoir judiciaire.
Puisque je suis sensible à un pouvoir Tet Kale, et que je fais le constat qu’il y a une tendance du gouvernement à se laisser noyer dans les eaux foudroyantes de l’INITE, je me fais le devoir de dire les choses telles qu’elles sont pour aider la présidence et la primature à réorienter les politiques publiques de ces deux ministères pour les sortir des pièges de la politique agricole « lese grenen » de lavalas et dérivés.
Les dégâts causés par les pluies torrentielles de quelques minutes ou par le passage des dépressions tropicales à répétition annuelle sur les infrastructures routes, ponts, écoles, hôpitaux, eau potable, marchés publics, systèmes d’irrigation, complexes touristiques élevés dans les zones côtières, maisons d’habitation détruites, pertes d’animaux, destruction des plantations à la suite des débordements des ravines et des rivières font du reboisement un projet de sécurité nationale. Des millions de dollars qui sont dépensés pour construire ces infrastructures pendant un temps moyen de douze à soixante mois s’envolent en fumée dans l’espace de quelques minutes, un mois après leur achèvement ou pendant même qu’elles sont en construction. Le déboisement met l’état haïtien dans l’éternelle obligation de refaire les mêmes dépenses avec de l’argent qu’il n’a pas, obligeant les responsables à marcher à reculons dans la fourniture des services publics à la population. D’où, depuis le passage du cyclone Jeanne de 2004 à nos jours, un ensemble d’investissements fait « aloral », coûtant de sommes faramineuses dans des ouvrages et travaux qui n’ont aucune chance de survie.
Le président Martelly doit prendre beaucoup de précautions avec les idées de projet lancées par les requins de la politique qui veulent dépecer le corps déjà squelettique de l’Haïti montagneuse en réalisant des projets de reboisement qui visent la prédation des fonds de l’APD et du BMPAD. Deux de ces projets sont le projet de benzoliv de Abagrangou et le projet triennal de production de 116 millions de plantules du ministre de l’environnement qui ont produit l’effet d’une douche froide sur la tête des professionnels et des agroindustriels haïtiens parce que non inscrits dans la logique économique et environnementale des Cinq E du pouvoir Tet kale. Il y a raison d’avoir peur car la moindre averse dans les bassins versants des rivières déclenche en aval des inondations qui détruisent les piliers de l’économie rurale. Les aires de chaque bassin versant qui vont de la cime de la montagne à l’embouchure de la rivière qui lui donne son nom attendent désespérément des projets de reboisement, mais pas du genre de Benzoliv et autres annoncés par le gouvernement à grands renforts de publicité à la radio et de billboards à travers le pays (Carrefour Marassa/Croix-des-Bouquets, Carrefour TiFour/Port-au-Prince, Charpentier/Les Cayes).
Un survol analytique de la non faisabilité de ces projets et leur remplacement par d’éventuels projets plus réalistes inscrits dans le vécu des paysans et dans l’expérience des hommes d’affaire, peut-être, pourraient aider le président Martelly à matérialiser ses idées saines de protection de l’environnement et de lutte contre la misère. Ces types de projet se réalisent bien entendu avec des ministres issus de partis politiques, avec des professionnels compétents de l’administration public et avec des hommes d’affaire qui savent faire de l’argent et créer de l’emploi et non avec des copains qui ne pensent qu’au « dapiyan » des fonds publics.
Nous ne cesserons pas de le répéter, il n’y a de bonne politique que celle permettant à la majorité des citoyens du pays de faire de l’argent. A cet effet les plans programmes et projets mis en œuvre par votre gouvernement doivent obéir à cette conception pour garantir au prince la pleine jouissance de son pouvoir. Les prédateurs qui entourent le président Martelly sont malheureusement loin de comprendre la dynamique de la politique et avancent avec des projets qui remplissent seulement leurs poches sans provoquer des transformations économiques dans le paysage haïtien.
D’abord le Benzoliv ou leMoringa Oleracera.
Tout ce qui est écrit et dit sur le benzoliv est de la foutaise, car à la base de ces racontars il n’y a aucun travail local de recherche technique et économique capable de supporter ces oralités ou d’inspirer confiance aux banquiers et aux hommes d’affaire qui doivent engager des opérations de crédit et d’investissements pour la matérialisation de ce projet. Le défilé à la télévision de professionnels hors série pour expliquer les vertus du benzoliv participe de la rhétorique du bluff pour faciliter la dilapidation des fonds publiques sous couvert de reboisement. Pour contrer le projet Benzoliv, deux articles ont été postés en ligne « Le benzoliv ou le projet par lequel le président Martelly peut faire la différence » et un article sur les plantations d’igname avec le bambou comme plante économique de lutte contre l’érosion et contre le vent pour garantir la survie des jardins d’igname qui coutent des millions de dollars à la paysannerie haïtienne. Aucune réaction du quatuor du MARNDR qui en a peur.
Le projet triennal farfelude 116 millions de plantules du ministre et non du ministère de l’Environnement.
Le coût moyen de production d’une plantule établi par le MARNDR est de 40 gourdes l’unité. Le coût de production de ces 116 millions de plantules est de 4 milliards 640 millions de gourdes... Où trouver cet argent ? Nulle part... Du pur bluff. Admettons que 35% des plantules constitueront des rejets, il restera 65% ou 75 millions quatre cent mille plantules qui seront mises en terre. Au départ il y aurait un gaspillage d’argent d’un milliard six cent vingt quatre millions de gourdes pour les 35% de pertes... Aucun calcul économique. Ce projet représente une dépense d’un milliard cinq cent quarante six millions six cent soixante six mille six cent soixante six (HTG 1,546,666,666.67) de gourdes et soixante sept centimes l’an, rien que pour l’aspect pépinière sans tenir compte des autres composantes normales de tout projet de reboisement. Ces fonds sont-ils déjà disponibles pour pareille activité?
SUPERFICIE
Pour mémoire, la superficie officielle de la République d’Haïti est de 27,750.00 km2. La partie située dans l’île d’Haïti (terre ferme) est de 26,573.00 km carrés et celle constituant les îles (y inclus La Navase) 1,177.00 km carrés. D’une manière générale, la superficie totale du pays se répartit approximativement ainsi, comme le montre le tableau suivant 1:
Catégories | Étendue
(km2 )*
| Observations | |
A | Terres agricoles |
15,273.00
| Cultures saisonnières et permanents, jachères, pâturages naturels, arbres fruitiers et arbres hors forêts, friches et abords de maison |
B | Terres boisées |
2,411.00
| Forêts de résineux, forêts de feuillus (zones sèches et humides), mangroves (zones côtières) |
C | Terres incultes |
9,546.00
| Marécages (2,386.00km2), aires érodées, rocheuses (7,760.00km2) |
D | Autres terres |
520.00
| Villes, habitats hors villes, cimetières ruraux, rivières, étangs et plans d’eau, routes et sentiers |
TOTAL |
27,750.00
| 1 Données adaptées par Joseph Wainwright (2009) |
*Pour ceuxqui préfèrent utiliser l’hectare (ha) ou le carreau (CX) comme unités de mesureagraire, la conversion se fait ainsi: 1km2 = 100 ha et 1 carreau=1.29 ha
En enlevant totalement les terres des catégories C et D ou 10.066 km carrés des 27.750 km carrés, il resterait 17.184 km carrés ou 1.718.400 has à reboiser pour la plantation des soixante quinze millions quatre cent mille plantules en pépinières. Cela signifie que le reboisement sera fait à une densité de 43 arbres/ha et inclura les terres des jardins à vivres des six millions de paysans. Mais est-ce que le ministre sous-entend par là, qu’il va reboiser aussi les terres de plaines réservées à la production des céréales des légumes et de la banane ?
Une telle opération suppose une parfaite connaissance du territoire et de ses différents terroirs. Pour la pleine réussite du programme, un diagnostic, même sommaire, de chaque bassin versant est obligatoire. Il permettra de se faire une idée de son état de dégradation, du niveau d’agressivité des pluies locales, de la nature et de la vocation des terres (profondeur, texture, pente et perméabilité des sols), de l’occupation du sol, des espèces les plus adaptées aux conditions locales (terroirs), des besoins et des mesures de reboisement et surtout de l’expérience des membres les plus avancés de la communauté qui y vit. Les opérations de plantation (choix des espèces en couverture linéaire ou spatiale) et le choix des pratiques seront dictés alors entièrement par les conditions locales mises en relief à partir des cartes de topo séquence bien élaborées d’une part et par les besoins et moyens des riverains (agriculteurs ou paysans) d’autre part.
Dans trois ans, même dans un processus interaction études-actions, le titulaire du ministère de l’Environnement aura-t-il les moyens économiques pour réaliser ces travaux qui mobilisent du temps, des professionnels et de l’argent en plus des 4 milliards 600 millions de gourdes indispensables pour la réussite des plantules en pépinière ?
Visibilité politique versus visibilité de faisabilité.
A la recherche de visibilité politique le ministre Thomas prévoit de commencer le projet sur toute l’étendue du territoire de la république, mais l’esprit de théoricien politique et celui de prédation qui transpirent dans ce projet ont rendus aveugles tous les cadres du MDE qui ne réalisent pas qu’un tel projet requiert la participation des autorités chargées des institutions concernées (Primature, Comité interministériel d’Aménagement du Territoire/CIAT, Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales/MICT, Ministère de l’Économie et des Finances/MEF, Ministère de la Planification et de la Coopération Externe/MPCE, Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural/MARNDR, Ministère des Travaux Publics, Transports et Communications/MTPTC à coté du Ministère de l’Environnement/MdE. Nulle part il est fait mention de l’organisation administrative à mettre en place dans les sections communales pour réaliser un tel projet. La gestion du reboisement est une affaire de proximité. Seule l’organisation de l’administration des casecs peut s’en porter garante. Cette administration n’existe pas pour le moment dans aucune des sections communales du pays. Une composante de police communale ou environnementale est un must pour assurer la surveillance et la survie des plantules moyennant la promulgation d’une loi qui établirait les pénalités pour tout contrevenant à la croissance des plantules. On a besoin d’une force de police environnementale ou communautaire de 56.000 hommes comme au temps de l’existence de la police rurale qui assurait la sécurité des haïtiens en tout point du territoire national. Où est cette force pour le moment ? Elle a été détruite par Lavalas et INITE qui n’ont aucune notion de protection et de surveillance du territoire national. Le blanc, l’opposition et les parlementaires lavalas/INITE sont contre l’organisation du retour de l’armée et de la police rurale , mais ne voient pas que le reboisement est impossible sans l’existence de cette force publique. Quelle est la position du parlement et de l’opposition politique sur le sujet de rétablir partout la sécurité dans le pays ? Ils n’en ont aucune. Nous ventons chaque jour les prouesses de la république dominicaine en « matière de réussite »,mais la république voisine dispose d’une force publique armée et police d’au moins 100.000 hommes pour assurer la sécurité nationale dans le pays.
Le paysan ennemi no 1 dureboisement.
Le plus grand ennemi du reboisement du pays est le paysan lui-même dans son mode d’exploitation de la terre. Avec ces temps de perturbations météorologiques du climat qui crée un état anormal de sécheresse dans toutes les régions montagneuses du pays, le paysan expérimente un cycle continu de pertes de plantations saisonnières. Que ses jardins soient perdus ou réussis, le terrain planté constitue la dernière carte de sauvetage et de récupération partielle des dépenses en servant de lieu de pâturage pour les animaux. Justement l’élevage et les plantes à tubercules sont deux éléments de stratégie de lutte des habitants contre l’insécurité alimentaire et contre la misère. Aussitôt la récolte terminée ou la plantation perdue, le paysan y met ses animaux qui mangent les résidus. Cette pratique entraine automatiquement la mort de la plantule par écrasement des pieds des animaux. Voilà que la méconnaissance de la réalité du terrain par le ministre Thomas (environnement) le porte à accoucher des « thomaseries » de reboisement qui font rire le paysan le plus analphabète.
Organisation du travail de mise en terre des plantules.
Comme le souligne toujours dans ses cours aux étudiants de la Faculté d’Agronomie et de Médecine Vétérinaire, l’agronome professeur Carly Jean Jeune, on ne reboise pas Haïti avec du verbiage. Beaucoup diront que vingt cinq millions cent mille (25.100.000) arbres est une infime quantité vu l’état de dégradation de nos mornes, mais, les mettre en terre exige une organisation très rigoureuse en termes de mobilisation de ressources humaines, de moyens matériels et de synchronisation des activités subséquentes. Notre pays a un relief très accidenté, 63.00% du territoire (17,499.km2) ayant une pente de plus de 20.00%. L’accès aux sites de plantation en véhicule n’est donc pas chose aisée. De plus, en considérant les jours disponibles pour la prochaine saison et en adoptant un rendement moyen de plantation d’arbres par personne par jour, il faudrait mobiliser des professionnels pour les former, les organiser et les sensibiliser. Des matériels (clisimètres, niveau A, pelles, piques pour ne citer que les plus utilisés) doivent être acheminés préalablement sur le terrain. On ne peut pas non plus initier un projet si massif sans disposer de cadres entraînés d’où l’urgence de la formation et de l’instruction du personnel (cadres techniques, agents, …) dans les techniques de reboisement. L’Agent Public technique est-il déjà sensibilisé à l’organisation de cette vaste campagne de reboisement?
Absence de l’homme clef qui est l’homme d’affaire dans ces projets de supercherie politique
Un projet de reboisement quelconque d’Haïti est un projet de société qui s’inscrit dans une logique de changement de l’économie rurale du pays à l’intérieur d’un cadre réfléchi de réforme agro foncière. Le reboisement du pays est un projet de société dans lequel l’élimination progressive de la culture sarclée est programmée pour faire place à une économie basée sur la culture arborée à finalité agroindustrielle de transformation dans les mornes et une intensification des cultures des céréales, du haricot et de la banane dans les plaines. A l’aube de ce projet qui doit inspirer confiance et non le doute, doivent se retrouver les hommes d’affaires nationaux ou étrangers à la recherche de fortune qui croient dans l’économie verte. Malheureusement dans aucun des projets benzoliv du CoLFAM ou de reboisement du MDE on ne retrouve ces industriels appelés à créer du travail pour les prochains dépossédés de la terre. On ne retrouve pas ces agroindustriels qui doivent inonder le marché avec les produits de transformation du Benzoliv appelés à remplacer les millions de sachets de sweety, d’ambofoly, des cubes maggy, au prix modique des petites poches pour aider au changement de notre alimentation qui est un élément de notre culture.
Président Martelly , le temps est venu de vous dire, de demander à vos ministres du COLFAM de cesser de bluffer. Aristide a bluffé et a perdu. Préval a bluffé et a perdu. Vous êtes une sosie d’Aristide arrivée au pouvoir à cause de l’ambition démesurée de Préval de garder le pouvoir et de torpiller le pays avec un ensemble de parlementaires choisis à l’aune de ses ambitions inavouées. Ces bluffs vous associent à la scélératesse des parlementaires qui justement bloquent l’action gouvernementale de rétablissement de l’autorité de l’état, indispensable pour reboiser le pays...
Reprenez vous, Mr le président, il est peut être encore temps de dire non à ces projets de supercherie politique. Pas de bluff, surtout dans le reboisement. C’est un bon « tet kale » qui écrit.
Michel William, agronome
26 juin 2013