samedi 20 juillet 2013

Haïti/ Le bluff du Benzoliv et des 116 millions de plantules de reboisement du Ministère de l’Environnement

Par Michel William, agronome
Source:  Page Facebook de Michel William, 19 juillet 2013
 
Le président Martelly et le gouvernement  du premier  ministre Laurent Lamothe  sont ils des bluffers qui jouent avec Haïti comme on joue au poker ? Après la découverte du   bluff  du virus  AH1N1 qui visait la levée de l’embargo sur les  œufs et les poulets de chair dominicains en voulant faire noyer le H5N2 dans l’oubli pour faire porter le poids de l’embargo par le virus de la grippe  humaine qui n’en est pas responsable c’est le bluff du benzoliv et des 116 millions de plantules de reboisement du pays qui soulève les préoccupations  des haïtiens. Le reboisement du pays est trop sérieux pour être l’objet de bluff mal fagoté. Le reboisement du pays  est un must. Il y va de l’avenir de nos enfants, de la sécurité des investissements  publics et privés approuvés par le parlement, mis en œuvre  par l’exécutif avec l’appui du pouvoir judiciaire. 
 
Puisque  je suis sensible  à un pouvoir Tet Kale, et que  je fais le constat qu’il y a une tendance du gouvernement à se laisser noyer dans les eaux foudroyantes de l’INITE, je me fais le devoir de dire les choses telles qu’elles sont pour aider la présidence et la primature  à réorienter les politiques publiques de ces deux ministères pour les sortir des pièges de la politique agricole  « lese grenen » de lavalas et dérivés.
 
Les dégâts  causés par les pluies torrentielles de quelques minutes ou par le passage des  dépressions tropicales à répétition annuelle sur les infrastructures  routes, ponts, écoles, hôpitaux, eau potable, marchés publics, systèmes d’irrigation,  complexes touristiques élevés dans les zones côtières, maisons d’habitation détruites,  pertes d’animaux, destruction des plantations à  la suite des débordements  des ravines et des rivières font du reboisement un projet de sécurité nationale. Des millions de dollars qui  sont dépensés pour construire ces infrastructures pendant un temps moyen de  douze à soixante mois  s’envolent en fumée dans l’espace de quelques minutes, un mois après leur achèvement  ou pendant même qu’elles sont en construction. Le déboisement met l’état haïtien dans l’éternelle obligation de refaire les mêmes dépenses avec de l’argent qu’il n’a pas,  obligeant les responsables à  marcher à reculons dans la fourniture des services publics à la population. D’où, depuis le passage du cyclone Jeanne de 2004 à nos jours, un ensemble d’investissements fait « aloral », coûtant de sommes faramineuses  dans des ouvrages et travaux qui n’ont aucune chance de survie.
 
Le président Martelly doit prendre beaucoup de précautions avec les idées de projet lancées par les  requins de la politique qui veulent dépecer  le corps déjà squelettique de l’Haïti montagneuse  en réalisant des projets  de reboisement qui visent  la prédation des fonds de l’APD et du BMPAD. Deux de ces projets sont  le projet de benzoliv  de Abagrangou et le projet  triennal de production de 116 millions de plantules  du ministre de l’environnement qui ont produit l’effet d’une douche froide sur la tête  des professionnels et des agroindustriels haïtiens parce que  non inscrits dans la logique économique et environnementale  des Cinq E du pouvoir Tet kale. Il y a raison d’avoir peur car la moindre averse  dans les bassins versants des rivières déclenche en aval  des inondations qui détruisent les piliers de l’économie rurale.  Les aires de chaque  bassin versant qui vont de la cime de la montagne à  l’embouchure de la rivière qui lui donne son  nom attendent désespérément des projets de reboisement, mais pas du genre de Benzoliv et autres annoncés par le gouvernement à  grands renforts de publicité à  la radio et de  billboards à travers le pays (Carrefour Marassa/Croix-des-Bouquets, Carrefour TiFour/Port-au-Prince, Charpentier/Les Cayes).
 
Un survol analytique de la non faisabilité de  ces projets et leur remplacement par d’éventuels  projets plus réalistes inscrits dans le vécu des paysans et dans l’expérience des hommes d’affaire, peut-être,  pourraient aider le président Martelly à matérialiser ses idées saines de protection de l’environnement et de lutte  contre  la misère. Ces types de projet  se réalisent bien entendu avec des ministres issus de partis politiques, avec  des professionnels compétents de l’administration public et avec des hommes d’affaire  qui savent  faire de l’argent et créer de l’emploi et non avec des copains qui ne pensent qu’au « dapiyan » des fonds publics.
 
Nous ne  cesserons pas de le répéter, il n’y a de bonne  politique  que celle permettant  à  la majorité des citoyens du pays  de faire de l’argent. A cet effet les plans programmes et projets mis en œuvre par votre gouvernement doivent obéir à  cette conception  pour garantir au prince la pleine  jouissance de son pouvoir. Les prédateurs qui entourent le président Martelly sont malheureusement loin de comprendre la dynamique de la politique et avancent avec des projets qui remplissent seulement leurs poches sans provoquer des transformations économiques  dans le paysage  haïtien.
 
 
D’abord le Benzoliv ou leMoringa Oleracera.
 
Tout ce qui est écrit et  dit sur le benzoliv  est de la foutaise, car  à  la base  de ces racontars il n’y a aucun travail local de recherche  technique et économique capable de supporter ces oralités  ou d’inspirer confiance aux banquiers et aux hommes d’affaire qui doivent engager des opérations de crédit  et d’investissements pour la matérialisation de ce projet. Le défilé à la télévision de professionnels hors série pour expliquer les vertus du benzoliv participe de la rhétorique du bluff pour faciliter la dilapidation des fonds publiques sous couvert de reboisement. Pour contrer le  projet Benzoliv, deux articles ont été postés en ligne  « Le benzoliv  ou le projet par lequel le président Martelly  peut faire la différence » et un article  sur les plantations d’igname avec le bambou comme plante économique de lutte  contre l’érosion et contre le vent pour garantir la survie des jardins d’igname qui coutent des millions de dollars à  la paysannerie   haïtienne. Aucune réaction du quatuor du MARNDR qui en a peur.
 
 
Le projet triennal farfelude 116 millions de plantules du ministre et non du ministère de l’Environnement.
 
Le coût moyen de production d’une plantule établi par le MARNDR est de 40 gourdes l’unité.  Le coût de production de ces 116 millions de plantules est de 4  milliards 640 millions de gourdes... Où trouver cet argent ? Nulle part... Du pur bluff. Admettons que 35% des plantules constitueront des rejets, il restera  65% ou 75 millions quatre cent mille plantules  qui seront mises en terre.  Au départ il y aurait un gaspillage d’argent d’un milliard six cent vingt quatre millions de gourdes pour les 35% de pertes... Aucun calcul économique. Ce projet représente une dépense d’un milliard cinq cent quarante six millions six cent soixante six mille six cent soixante six (HTG 1,546,666,666.67) de gourdes et soixante sept centimes l’an, rien que pour l’aspect pépinière sans tenir compte des autres composantes normales de tout projet de reboisement. Ces fonds sont-ils déjà disponibles pour pareille activité?
 
SUPERFICIE 
Pour mémoire, la superficie officielle de la République d’Haïti est de 27,750.00 km2. La partie située dans l’île d’Haïti (terre ferme) est de 26,573.00 km carrés et celle constituant les îles (y inclus La Navase) 1,177.00 km carrés. D’une manière générale, la superficie totale du pays se répartit approximativement ainsi, comme le montre le tableau suivant 1:
 
 
 
 CatégoriesÉtendue
(km2 )*
Observations
ATerres agricoles
15,273.00
 Cultures saisonnières et permanents, jachères, pâturages    naturels, arbres fruitiers  et arbres hors forêts, friches et abords de maison
BTerres boisées
2,411.00
 Forêts de résineux, forêts de feuillus (zones sèches et humides), mangroves (zones côtières)
CTerres incultes
9,546.00 
Marécages (2,386.00km2), aires érodées, rocheuses (7,760.00km2)
DAutres terres
520.00
 Villes, habitats hors villes, cimetières ruraux, rivières, étangs et plans d’eau, routes et sentiers
TOTAL
27,750.00
1 Données adaptées par Joseph Wainwright (2009)
 
 
 *Pour ceuxqui préfèrent utiliser l’hectare (ha) ou le carreau (CX) comme unités de mesureagraire, la conversion se fait ainsi: 1km2 = 100 ha et 1 carreau=1.29 ha
 
 
 
En enlevant totalement les terres des catégories C et D ou 10.066 km carrés des 27.750 km carrés, il resterait 17.184 km carrés  ou 1.718.400 has à  reboiser pour la plantation des soixante quinze  millions  quatre cent mille  plantules en pépinières. Cela signifie que le  reboisement sera fait à  une densité de 43  arbres/ha et inclura les terres des jardins à  vivres des six millions de paysans. Mais  est-ce que le ministre sous-entend par là, qu’il va reboiser aussi les  terres de plaines réservées à la production des céréales des légumes et de la banane ?
Une telle opération suppose une parfaite connaissance du territoire et de ses différents terroirs. Pour la pleine réussite du programme, un diagnostic, même sommaire, de chaque bassin versant est obligatoire. Il permettra de se faire une idée de son état de dégradation, du niveau d’agressivité des pluies locales, de la nature et de la vocation des terres  (profondeur, texture, pente et perméabilité des sols), de l’occupation du sol, des espèces les plus adaptées aux conditions locales (terroirs), des besoins et des mesures de reboisement  et surtout de l’expérience des membres les plus avancés de la communauté qui y vit. Les opérations de plantation (choix des espèces en couverture linéaire ou spatiale) et le choix des pratiques seront dictés alors entièrement par les conditions locales mises en relief à partir des cartes de topo séquence bien élaborées d’une part et par les besoins et moyens des riverains (agriculteurs ou paysans) d’autre part.
 
Dans trois ans, même dans un processus interaction études-actions, le titulaire du ministère de l’Environnement aura-t-il les moyens économiques pour réaliser ces travaux  qui mobilisent du temps, des professionnels et de l’argent en plus des  4 milliards 600 millions de gourdes indispensables pour la réussite des plantules en pépinière ?
 
 
Visibilité  politique versus visibilité  de faisabilité.
 
A la recherche de visibilité politique le ministre Thomas prévoit de commencer le  projet sur toute l’étendue du territoire de la république, mais l’esprit de  théoricien politique et celui de prédation qui transpirent dans ce projet ont rendus aveugles tous les cadres du MDE  qui ne réalisent pas  qu’un tel projet  requiert la participation des  autorités chargées des institutions concernées (Primature, Comité interministériel d’Aménagement du Territoire/CIAT, Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales/MICT, Ministère de l’Économie et des Finances/MEF,  Ministère de la Planification et de la Coopération Externe/MPCE, Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural/MARNDR, Ministère des Travaux Publics, Transports et Communications/MTPTC à  coté du Ministère de l’Environnement/MdE. Nulle part il est fait mention de l’organisation administrative à  mettre en place dans les sections communales  pour réaliser un tel projet. La gestion du reboisement est une affaire de proximité. Seule l’organisation  de l’administration des casecs peut s’en porter garante. Cette administration n’existe pas pour le moment dans aucune des sections communales du pays. Une composante de police  communale  ou environnementale  est un must pour assurer la surveillance et la survie des plantules  moyennant la promulgation d’une loi qui établirait les pénalités pour tout contrevenant à  la croissance des plantules. On a besoin d’une force de police environnementale ou communautaire de 56.000 hommes  comme au temps de l’existence de la police rurale qui assurait la sécurité des haïtiens  en tout point du territoire national. Où est cette force  pour le moment ? Elle a été détruite par Lavalas et INITE qui n’ont aucune notion de protection et de surveillance du territoire national. Le blanc, l’opposition et les parlementaires lavalas/INITE sont contre l’organisation du retour de l’armée et de la police rurale , mais ne  voient pas que le reboisement est impossible sans l’existence de cette force publique. Quelle est la position du parlement et de l’opposition politique  sur le sujet de rétablir partout la sécurité dans  le pays ?  Ils  n’en ont aucune. Nous ventons chaque jour les prouesses de la république dominicaine en « matière de réussite »,mais la  république  voisine dispose d’une force publique armée et police d’au moins 100.000 hommes pour assurer  la sécurité nationale  dans le  pays.
 
 
Le paysan ennemi no 1 dureboisement.
 
Le plus grand ennemi  du reboisement du pays est le paysan lui-même dans son mode d’exploitation de la terre. Avec  ces temps de perturbations  météorologiques du climat qui crée un état anormal de sécheresse  dans toutes les régions montagneuses du pays, le paysan expérimente un cycle continu de pertes de plantations saisonnières. Que ses jardins soient perdus ou réussis, le terrain planté constitue  la dernière carte de sauvetage  et   de récupération  partielle des dépenses en servant de lieu de pâturage  pour les animaux. Justement l’élevage et les plantes  à  tubercules sont deux éléments de stratégie de lutte des habitants  contre l’insécurité alimentaire et contre la misère. Aussitôt la récolte terminée ou la plantation perdue, le paysan y met ses animaux  qui mangent  les résidus. Cette pratique  entraine automatiquement  la mort de la plantule  par écrasement des pieds des animaux. Voilà que la méconnaissance  de la réalité du terrain par le ministre Thomas (environnement) le porte à  accoucher des « thomaseries » de reboisement qui font rire le paysan le plus analphabète.
 
 
Organisation du travail de mise en terre des plantules.
 
Comme le souligne  toujours dans ses cours aux étudiants de la Faculté d’Agronomie et de Médecine Vétérinaire, l’agronome professeur Carly  Jean Jeune, on ne reboise pas Haïti avec du verbiage. Beaucoup diront que vingt cinq  millions cent mille  (25.100.000) arbres est une infime quantité vu l’état de dégradation de nos mornes, mais, les mettre en terre exige une organisation très rigoureuse en termes de mobilisation de ressources humaines, de moyens matériels et de synchronisation des activités subséquentes. Notre pays a un relief très accidenté, 63.00% du territoire (17,499.km2) ayant une pente de plus de 20.00%. L’accès aux sites de plantation en véhicule n’est donc pas chose aisée. De plus, en considérant les jours disponibles pour la prochaine saison et en adoptant un rendement moyen de plantation d’arbres par personne par jour,  il faudrait mobiliser  des professionnels pour  les former, les organiser et les sensibiliser. Des matériels (clisimètres, niveau A, pelles, piques  pour ne citer que les plus utilisés) doivent être acheminés préalablement sur le terrain.  On ne peut pas non plus initier un projet si massif sans disposer de cadres entraînés d’où l’urgence de la formation et de l’instruction du personnel (cadres techniques, agents, …) dans les techniques de reboisement. L’Agent Public technique est-il déjà sensibilisé à l’organisation de cette vaste campagne de reboisement?
 
 
Absence de l’homme  clef qui est l’homme d’affaire  dans ces projets de supercherie politique
 
Un projet de reboisement quelconque d’Haïti est  un projet de société  qui  s’inscrit dans une logique de changement de l’économie rurale du pays à l’intérieur d’un cadre réfléchi de réforme agro foncière. Le reboisement du pays est un projet de société dans lequel l’élimination progressive de la culture sarclée est programmée pour faire place à  une économie  basée sur la culture arborée à  finalité agroindustrielle de transformation dans les mornes  et une intensification des cultures des céréales, du haricot  et de la banane  dans les plaines. A l’aube de ce projet qui doit inspirer confiance et non le doute, doivent se retrouver les hommes d’affaires nationaux ou étrangers à la recherche  de fortune qui croient dans l’économie verte. Malheureusement  dans  aucun des projets benzoliv du CoLFAM ou de reboisement du MDE on ne retrouve ces industriels appelés à créer du travail pour les prochains dépossédés de la terre. On ne retrouve pas ces agroindustriels qui doivent inonder le marché avec les produits de transformation du Benzoliv appelés à remplacer   les millions de sachets de sweety, d’ambofoly, des cubes  maggy, au prix modique des petites poches pour aider au changement de notre alimentation qui est un élément de notre culture.
 
Président Martelly , le temps est venu de vous dire, de demander à vos ministres du COLFAM de cesser de bluffer. Aristide a bluffé  et a perdu. Préval a bluffé  et a perdu. Vous êtes une sosie d’Aristide arrivée au pouvoir à cause  de l’ambition démesurée de Préval de garder le pouvoir et de torpiller le pays avec un ensemble de parlementaires choisis à l’aune de ses ambitions inavouées. Ces bluffs vous associent à  la scélératesse des parlementaires qui justement bloquent l’action gouvernementale de rétablissement de l’autorité de l’état, indispensable pour reboiser le pays...
 
Reprenez vous, Mr le  président,  il est peut être  encore temps de dire non à ces projets de supercherie politique. Pas de bluff, surtout dans le reboisement. C’est un bon « tet kale » qui écrit.
 
Michel William, agronome 
26 juin 2013