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Jacmel / Rivière La Gosseline / Un camion à ordures jette son chargement directement dans la rivière.
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Jacmel/ Les ordures finissent à la mer qui les ramène sur les plages.
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Par Valescot Wilbert
et Junior Printemps
Le touriste qui visite Jacmel repart en général enchanté de son séjour dans la capitale du Sud-Est. Vieilles maisons au charme désuet, rues calmes et étroites de la basse ville, bons restaurants, boutiques remplies d'artisanat local, entrepôts d'une autre époque, tout est un plaisir pour l'oeil. À l'exception du rivage, naguère magnifique mais qui, vu de près, fait plus penser à un dépotoir à ciel ouvert qu'à une plage.
Pas étonnant que les touristes ne se bousculent plus à Kongo Plaj, qui sépare les flots bleus de la baie du centre-ville. D'aussi loin que le regard porte, ce ne sont plus que bouteilles de plastique, vieux souliers rejetés par la mer, troncs d'arbre délavés, morceaux de filet, assiettes de polystyrène, etc. « Il y a 30 ans, Jacmel était beaucoup plus propre, confirme Madame Moreau, propriétaire d'une boutique d'artisanat fréquentée par les touristes, rue du Commerce. Vous n'avez qu'à regarder Kongo Plaj pour comprendre pourquoi la ville reçoit de moins en moins de touristes... »
Madame Adrienne, une petite marchande de poisson en train de nettoyer un thazar - une espèce jadis commune dans la baie de Jacmel - est d'accord. « Il y a tellement de fatras que même les poissons s'en vont ailleurs, ajoute-t-elle. Les pêcheurs sont obligés d'aller en haute mer au risque de leur vie !»
Mais d'où viennent toutes ces ordures qui défigurent le bord-de-mer de la capitale touristique du Sud-Est, sinon d'Haïti ?
«Tous les Jacméliens sont responsables du piètre état de leur environnement, dit un jeune homme venu quérir de l'eau à Ti Sous, à un jet de pierre de l'hôpital Saint-Michel. Les gens ont pris la mauvaise habitude de jeter leurs ordures un peu partout... Même le camion d'ordures de la mairie déverse quotidiennement son chargement le long de La Gosseline, derrière le quartier ''nan Rakèt'' !»
À chaque pluie, la rivière emporte les ordures jusqu'à la mer qui, à son tour, en refoule une bonne partie sur la grève... Un cycle proprement infernal sur lequel les autorités ferment encore trop souvent les yeux. «Je n'ai pas le temps pour ça maintenant, dit Edo Zénny, le maire de la cité d'Alcibiade Pommayrac. Venez me voir quand le carnaval sera terminé. »
Heureusement, certains élus municipaux prennent le problème au sérieux. Ronald Andris, maire adjoint de Jacmel, reconnaît que la situation est préoccupante près de la rivière. «Cependant, la mairie ne jette plus d'ordures dans la rivière, comme c'était le cas autrefois, affirme-t-il. Nous les jetons actuellement dans un site provisoire situé à Bwabèf, une localité de Lamandou, en attendant de pouvoir disposer d'un site permanent à Monchil, à l'entrée de Jacmel. »
«On cherche vraiment à améliorer la situation parce qu'on sait qu'une ville touristique doit être propre, ajoute Andris Ronald. Depuis que le site Bwabèf existe, on défend expressément à la population de jeter ses ordures près de la rivière, afin que Kongo Plaj reste propre. Nous sommes déterminés à prendre toutes les mesures nécessaires afin que les ordonnances de la mairie soient respectées ! »
En attendant, les riverains de La Gosseline - particulièrement ceux habitant la zone où le camion de la mairie déverse ses ordures - continuent de souffrir. «Les enfants ont toutes sortes de problèmes de santé, confirme une mère de famille d'une quarantaine d'années, en train de faire la lessive dans la rivière jonchée de fatras. Ils ont des éruptions cutanées, de la grattelle, des diarrhées, etc. On fait parfois des combites de nettoyage, mais, comme les gens continuent à jeter leurs ordures en amont, tout est constamment à refaire...»
Un simple regard sur la zone permet de mesurer toute l'étendue du problème. Entre les tas d'ordures fumantes où fouillent quelques cochons, des bambins se faufilent, pieds nus, la morve au nez. Un homme urine près de la source, où quelques femmes tirent de l'eau. Les genoux sur les galets, une vielle femme lave une chemise dans la rivière, pestant contre les déchets plastiques que le courant emporte. L'eau opaque de La Gosseline a une couleur rougeâtre, due à l'érosion des hautes terres et à l'exploitation du gravier à même le lit de la rivière, où ne coule qu'un mince filet d'eau en cette saison.
Certains Jacméliens refusent de baisser les bras. C'est le cas de Bazelais Onel, artisan et propriétaire de l'atelier Émotion, rue Henri Christophe, à deux pas de la fameuse Kongo Plaj. «C'est vrai que le fatras nuit considérablement à la réputation touristique de Jacmel, dit l'artisan spécialisé dans la confection de masques et de fruits en papier mâché. On pourrait toutefois profiter de la situation et récupérer beaucoup plus de papier et de carton pour les transformer en produits qu'on pourrait vendre aux touristes. Pour cela, il faudrait que l'État organise un système de recyclage à la source. Les artisans du papier mâché auraient ainsi accès à une source régulière de matériaux et l'excédent pourrait être composté. Cela créerait des emplois et contribuerait à garder la ville propre. Auparavant, j'embauchais une quarantaine d'employés quand les touristes fréquentaient Jacmel. Aujourd'hui que la ville est sale, ajoute-t-il, je ne peux m'en payer que cinq... »
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«Je n'ai pas le temps pour ça maintenant, dit Edo Zénny, le maire de la cité d'Alcibiade Pommayrac. Venez me voir quand le carnaval sera terminé"
RépondreSupprimerC'est tout a fait normal de preciser ca M. Zenny.Comment voulez-vous qu'on decide pour vous votre emploi du temps. Ces journalistes pensent qu'ils sont les rois de la terre. Alors, avec un clac, vous devriez etre a leur service. N'importe quoi! On ne respecte plus les Autorites dans ce pays maintenemant. Vive Duvalier!