mardi 3 février 2009

Pour une déclaration officielle de l'état d'urgence face à la dégradation de l'environnement national


NDCDP-Environnement.-
Pour l'histoire, nous publions ci-après les documents transmis par l'ingénieur Gérard Tassy au Coin de Pierre en décembre 2008.


Note du Dr. Max Maximillien à Haitian Politics, le 22 octobre 2008

Damien-Haïti, le 22 octobre 2008,

En mars 1987, la Faculté d’Agronomie et de Médecine vétérinaire (FAMV) eut à organiser les premières journées de la Recherche agronomique dans le pays. Il s’agissait de présenter aux professionnels de l’agriculture et à tous ceux que la recherche intéressait les travaux scientifiques réalisés par les professeurs et étudiants de cette institution. Différentes universités étrangères dont furent conviées à cette grande fête de l’esprit. L’Université qui développait lors des relations étroites de coopération avec cette Faculté, grâce à l’assistance financière de l’Agence Canadienne pour le Développement International (ACDI), y occupait une place de choix par la présence d’un bon nombre de ses professeurs. A cette époque, j’eus l’insigne honneur d’occuper le poste de vice-doyen à la Recherche au sein de cette prestigieuse institution. Aussi, me revenait-il la charge d’organiser ces rencontres scientifiques.


Ces journées connurent un franc succès, ce qui portait les participants à recommander que la FAMV organisât au plus tôt un colloque sur le Reboisement car l’environnement national présentait, depuis des décennies, des signes inquiétants de dégradation à cause de la déforestation anarchique. C’est ainsi que du 21 au 23 avril suivant, ledit colloque fut organisé dans l’enceinte de la FAMV avec la participation de différentes personnalités provenant presque de toutes les sphères professionnelles du pays. La réponse du public dépassait toute espérance. C’est que déjà, tout le monde, à l’exception des politiques, prenait conscience que l’environnement était l’affaire de tous et qu’il devait être au cœur de tout projet de reconstruction ou de refondation du pays. Aussi, en venait-on, au deuxième jour du colloque, à soulever au cours des débats l’idée de la déclaration de l’état d’urgence pour contrer la dégradation accélérée de l’environnement physique du pays. Et, comme pour nous conforter dans cette voie, ce même jour, il y eut un signe du ciel. En effet, il pleuvait à verse, ce qui entraînait le débordement de la ravine Bois de Chêne et l’inondation du cimetière de Port-au-Prince. Les eaux en furie mettaient à nu des cadavres qui se retrouvaient en pleine rue dans les parages du cimetière et témoignaient, encore une fois, de la fragilité de notre environnement.
A l’issue de ce colloque, les participants ont pris la résolution de déclarer le pays en ETAT D’URGENCE tout en s’engageant à entreprendre les démarches nécessaires pour que les hautes autorités politiques du pays puissent reconnaître officiellement cet ETAT D’URGENCE et le déclarer par un texte légal. A cette occasion, une déclaration conjointe été signée au troisième jour de cet important événement par 78 participants.


Un groupe de travail a été vite formé, sous ma coordination, pour le suivi du Colloque et préparer le cadre de référence de l’Etat d’urgence. Après maintes séances de travail entre différentes institutions publiques, privées et non gouvernementales, il a été élaboré un document sous le titre « Pour une déclaration officielle de l’Etat d’urgence face à la dégradation de l’environnement national. » Vingt-et-un ans après, il me paraît nécessaire de le soumettre à l’appréciation d’un plus large public tout en reconnaissant que bon nombre de mesures de redressement qui ont été recommandées peuvent aujourd’hui être dépassées puisque rien ou presque rien n’a été fait dans ce domaine.


Bonne lecture.


Dr Max MILLIEN
Ancien coordonnateur du Groupe de travail, pour le suivi du colloque d’avril 1987 à Damien-Haïti.

***

POUR UNE DÉCLARATION OFFICIELLE DE L'ÉTAT D'URGENCE FACE À LA DÉGRADATION DE L'ENVIRONNEMENT NATIONAL


Par le Groupe de travail pour le suivi
du Colloque sur le Reboisement
tenu à Damien en Avril 1988

LISTE DES SIGLES


CRDA: Centre de Recherche et de Documentation Agricole

ISPAN: Institut de Sauvegarde du Patrimoine National

MARNDRE: Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles, du Développement Rural et de l’Environnement

FAD’H: Forces Armées d’Haïti.


SOMMAIRE
Préambule.-
I.- NECESSITE DE LA DECLARATION OFFICIELLE DE L’ETAT D’URGENCE
1.- Niveau actuel de la dégradation de l’environnement national

1.1- Ressources en Forêts

1.2- Ressources en Sols

1.3- Ressources en Eau

1.4- Ressources halieutiques et côtières

1.5- Faune et Flore

1.6- Ressources humaines

2.- Manifestations évidentes de la dégradation

3.- Impact limité des solutions traditionnelles

II.- CADRE DE REFERENCE DE LA DECLARATION OFFICIELLE DE L’ETAT D’URGENCE

1.- Définition

2.- Domaine d’action

3.- Le cas précis de la dégradation de l’environnement

4.- Justification stratégique de l’état d’urgence

5.- Implications de l’état d’urgence

6.- Objectifs de l’état d’urgence

7.- Principales mesures pour freiner le processus de dégradation de
l’environnement

7.1- Les mesures de soutien

7.2- Modalités de leur mise en œuvre

8.- Principales mesures pour engager le pays dans le processus de
rétablissement de son équilibre écologique

8.1- Réduction de la pression sur les ressources en bois

8.2- Réduction de la pression sur les sols déclives

8.2.1- Les chantiers PHIMO / FCN

8.2.2- Distribution de terre et coopératives de production

8.2.3- Amélioration du Système de Tenure des terres

9.- Création d’un Fonds d’Urgence

10.- Durée de l’Etat d’Urgence

11.- Calendrier d’exécution

Conclusion



PREAMBULE

Au moment où les Haïtiens éprouvent plus que jamais, le besoin de changer de système politique, aucun thème n’est aussi approprié pour rallier l’assentiment général que celui de la réhabilitation de notre environnement naturel.
Les passions politiques ne doivent pas faire oublier aux hommes, femmes et enfants de ce pays, à ceux qui l’aiment, qui y vivent, à ceux qui se sentent partie intégrante de cette nation que leur destin est étroitement lié au cadre physique et biologique de ce coin de terre, de notre patrie.
Quelle que soit l’idéologie politique qui nous anime, il n’est plus possible de laisser se perpétuer cette dégradation effroyable de notre environnement. Mieux encore, la Nouvelle Constitution que nous avons votée fait de la protection de notre environnement un devoir civique auquel nous ne pouvons nous soustraire sans agir à l’encontre de cette charte fondamentale.
Aussi, est-il approprié de rappeler à tous: Gouvernants, leaders politiques et religieux, simples citoyens du pays que le temps des vœux pieux au sujet de la réhabilitation de notre environnement est révolu. C’est dans nos actions de tous les jours que doit être inscrite notre détermination de sauver notre environnement menacé. Il importe donc, qu’a ce tournant de notre vie de peuple, tous les Haïtiens souscrivent à cette déclaration d’urgence contre la dégradation de l’environnement haïtien.
Cette déclaration d’urgence est le fruit d’un effort collectif, patriotique et totalement désintéressé. Elle a été signée par tous les participants à un colloque sur les problèmes du déboisement et du reboisement en Haïti, tenu à la Faculté d’Agronomie et de Médecine Vétérinaire du 21 au 23 avril 1987 sous les auspices du Centre de Recherche et de Documentation Agricoles (CRDA) du Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural.
Un groupe de travail, composé de représentants des organisations privées et publiques intéressés à la question et chargé du suivi des résultats de ce colloque a estimé opportun pour appeler tout le pays à la mobilisation nécessaire à des actions concrètes en vue de la réhabilitation de notre environnement. Une telle mobilisation passe nécessairement par la déclaration officielle de l’état d’urgence contre la dégradation de l’environnement.


I.- NECESSITE DE LA DECLARATION OFFICIELLE DE L’ETAT
D’URGENCE

La déclaration officielle de l’état d’urgence se justifie à plus d’un titre.

1.- NIVEAU ACTUEL DE LA DEGRADATION DE L’ENVIRONNEMENT

Le niveau actuel de la dégradation de l’environnement peut être apprécié à travers les différents points suivants:

1.1- Ressources en Forêts

Les ressources en forêts s’épuisent. Elles sont passées de 18% de la superficie du pays en 1950 à 3% en 1986. Aujourd’hui, les dernières réserves de la Forêt des Pins et du Pic Macaya sont menacées de disparition immédiate.

1.2- Ressources en Sols

Il est également admis que sous nos climats les pertes du sol, considérées comme normales dans un écosystème en état d’équilibre, ne dépassent pas 11 TM/ha/an. Cependant, dans le Bassin Versant de la Rivière d’Acul, dans le Sud de la République, elles atteignent le chiffre alarmant de 750 TM/ha/an. Ce qui explique pourquoi la catastrophe a commencé dans cette région avec l’inondation de l’année 1986 qui a causé la perte économique de 2000 ha de terres arables.

1.3- Ressources en Eau

L’indice de torrentialité des principales rivières de la République (Artibonite, Limbé, Grande-Rivière-du-Nord, Cavaillon, Grand’Anse) augmente en moyenne de 1 à 5. Les ruisseaux, eux-mêmes tarissent tout bonnement dans n’importe quelle partie du territoire. Le débit des sources qui alimentent nos principales villes en eau potable baisse de façon inquiétante.

1.4- Ressources Halieutiques et Côtières

Avec 1535 km de côtes (y compris les îles adjacentes), Haïti a un plateau continental ne dépassant guère 1 mille de largeur sauf dans certains points au Sud du pays. Les prises annuelles sont estimées à 5000 tonnes environ contre 14000 provenant de l’importation, ce qui donne une consommation annuelle per capita de 1,8 kg, l’une des plus faibles du monde. Le potentiel exploitable est estimé à 25000 tonnes mais, au rythme actuel de la sédimentation côtière, nos eaux marines proches sont devenues moins poissonneuses et moins hospitalières pour les espèces migratrices très rentables comme les crustacés et les coraux.

1.5- Faune et Flore

La liste des principales espèces animales et végétales en voie de disparition (52 espèces animales et 57 espèces végétales) a été établie par le Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural il y a quelques années. L’exploitation inconsidérée de nos réserves forestières a provoqué la destruction d’une série de niches écologiques où se rencontraient encore des spécimens d’espèces végétales où animales uniques dans les Caraïbes et parfois au monde.

1.6- Ressources Humaines

Au cours des 50 dernières années, la population du pays est passée en revanche de quelques 2 à 5 millions d’habitants.

2.- MANIFESTATIONS EVIDENTES DE LA DEGRADATION

Les signes visibles avant-coureurs d’une grande catastrophe apparaissent périodiquement à des intervalles de plus en plus fréquents; quelques-uns des plus connus sont:
· La grande inondation de la Plaine des Cayes en 1986;

· Le débordement de la Grande-Ravine de l’île de la Gonâve en 1986;

· Le volume croissant des eaux de ruissellement qui s’abattent sur nos villes (Port-au-Prince, Port-de-Paix, Cap-Haitien);

· La sédimentation accélérée du Lac de Péligre dont l’envasement total est prévu pour l’an 2000;

· La réduction du rendement des centrales hydro-électriques (Péligre, Saut-Mathurine);

· La destruction des ouvrages d’art qui traversent nos cours d’eau (Torbeck, Fer-à-Cheval, La Chapelle);

· La diminution de la capacité de charge démographique de certaines zones du pays d’où la population émigre à un rythme effréné (Nord-Ouest, Sud-Est).

En considérant seulement les pertes directes provoquées par la baisse du débit des rivières et des canaux primaires d’irrigation, la réduction du rendement des usines hydro-électriques et l’abaissement du niveau de la nappe phréatique, des estimations récentes ont établi pour la Plaine des Cayes des chiffres avoisinant les ($10,000.000.00) dix millions de dollars/an.
En tenant compte des mêmes phénomènes pour l’ensemble du territoire national, les pertes s’élèveraient à plus de cent millions de dollars/an ($ 100,000.000.00). De novembre 1986 à mai 1987, le fonctionnement irrégulier des turbines de la Centrale Hydro-électrique de Péligre a causé à l’Electricité d’Haïti une dépense en combustible de l’ordre de quatre millions de dollars ($ 4,000.000.00).

3.- IMPACT LIMITE DES SOLUTIONS TRADITIONNELLES

L’investissement public et para-public (organisations non gouvernementales) s’approche d’un plafond de vingt millions de dollars ($ 20,000.000.00) par an en ce qui concerne le budget prévu pour les programmes de reboisement. Une telle somme est énorme et pourtant elle ne permet pas d’atteindre les résultats escomptés puisque l’environnement continue de se dégrader. C’est que les efforts sont dispersés dans une centaine de projets, les stratégies retenues divergent et se neutralisent tandis que les méthodes adaptées sont inadéquates. Ainsi, le pillage de la Forêt des Pins et du Pic Macaya continue, les arbres plantés au Morne de l’Hôpital disparaissent, les exploitations de carrières se réalisent encore dans l’anarchie la plus totale, l’élevage libre fait des ravages dans le Morne la Selle et les cultures sarclées achèvent de détruire la couverture forestière du Bassin Versant de Péligre.

Il est donc plus que temps d’avoir recours à une nouvelle stratégie de lutte contre la dégradation de notre environnement. Une telle stratégie est, à n’en pas douter, indissociable de la déclaration officielle de l’état d’urgence.

La déclaration de l’état d’urgence devra permettre de:
· Appliquer la nouvelle stratégie sus-mentionnée que requiert la gravité de la situation écologique du pays.

· Mettre à profit la mobilisation des masses haïtiennes initiée après le 7 février.

· Concentrer les ressources financières disponibles à l’intérieur de zones stratégiques déterminées, directement liées au progrès social et économique du pays.

· Tirer parti de l’attention bienveillante de la communauté internationale manifestée à notre endroit surtout depuis le 7 février 1986.


II.- CADRE DE REFERENCE DE LA DECLARATION OFFICIELLE DE L’ETAT D’URGENCE

1. DEFINITION

L’État d’urgence correspond à la situation d’un pays qui adopte des mesures exceptionnelles pour atteindre un objectif déterminé dans un délai donné.


2. DOMAINE D’ACTION

L’État d’urgence est généralement déclaré à la suite d’une catastrophe naturelle survenue à un moment particulier (cyclone, tremblement de terre, inondation). Il s’agit, dans tous ces cas, de rétablir l’équilibre de l’écosystème brusquement interrompu par un facteur adverse.


3. LE CAS PRECIS DE LA DECLARATION DE L’ENVIRONNEMENT

Quand la dégradation de l’environnement dépasse un seuil critique au-delà duquel les mécanismes de régulation naturelle ne fonctionnent plus, des catastrophes en chaîne se déclarent (inondation, sécheresse et autres calamités) suivant une fréquence de plus en plus rapprochée jusqu’à l’hécatombe finale. L’histoire universelle regorge d’exemples où des civilisations entières ont disparu pour avoir transgressé ces lois naturelles.


4. JUSTIFICATION STRATEGIQUE DE L’ETAT D’URGENCE

La preuve est faite que les ressources normalement disponibles dans le cadre du budget national de l’environnement et d’investissement et au niveau des ressources humaines mobilisées par les secteurs public, para-public et les organisations non gouvernementales ne permettent point de freiner le processus de dégradation de l’environnement. Pour le faire, il faut mobiliser la nation. Pour mobiliser la nation, il faut déclarer "l’Etat d’Urgence."



5. IMPLICATIONS DE L’ETAT D’URGENCE

L’état d’urgence (ou mieux la déclaration de l’état d’urgence) permet de mobiliser, en effet, la totalité ou une grande partie des ressources nationales de façon coordonnée et simultanée vers la solution d’un problème spécifique. En ce qui concerne la dégradation de l’environnement, il est nécessaire que des mesures exceptionnelles soient prises en même temps:

· Sur le plan légal
· Sur le plan financier
· Sur le plan technique
· Sur le plan socio-politique
en vue de rompre le cercle vicieux de la détérioration de notre écosystème.


6. OBJECTIFS DE L’ETAT D’URGENCE

L’état d’urgence vise deux (2) objectifs fondamentaux:

· Freiner le processus de dégradation de l’environnement (No. 1)

· Engager le pays dans le processus de rétablissement de son équilibre écologique (No. 2)

7. PRINCIPALES MESURES POUR FREINER LE PROCESSUS DE DEGRADATION DE L’ENVIRONNEMENT

L’environnement est lié d’une façon générale à un très grand nombre de secteurs de l’activité nationale. Il concerne les ressources en eau (eau douce, eau potable, irrigation), les ressources agricoles (sols, forêts, élevage, agriculture, produits chimiques), les ressources de la mer et de la pêche, les ressources énergétiques, les ressources minérales, le tourisme, le transport, les établissements humains, la faune, la flore et les différentes formes de pollution qui en résultent. En Haïti, le déboisement a atteint un seuil critique. C’est pourquoi, pour freiner le processus de dégradation de l’environnement, il faut:

· Empêcher la coupe des arbres, l’agriculture sarclée et l’élevage libre ainsi que l’exploitation des carrières de quelque nature que ce soit à l’intérieur des parcs nationaux, des zones réservées et des zones à protéger.

· Fournir une assistance adéquate aux institutions chargées de veiller au respect de cette interdiction (ISPAN – les Parcs Nationaux d’Haïti – MARNDR – FAD’H).


7.1 Mesures de soutien

Le recours aux trois (3) formes de pouvoir (persuasif, dissuasif, rétributif) est indispensable pour atteindre l’objectif mentionné au point 7.


§ Pouvoir Persuasif

Les institutions suivantes seront mobilisées en vue d’assurer la motivation de la population appelée à collaborer à la réussite du plan d’urgence (la "Presse " parlée, écrite et télévisée – les Religions de toutes confessions – les Partis Politiques – les Organisations Démocratiques – les Associations Professionnelles et les autres Groupes organisés). Si tous les messages de persuasion opèrent dans le même sens, la population sera prête à accepter l’autorité des agences d’exécution. Les modalités de participation de chacune des institutions sus-mentionnées doivent être bien définies.



§ Pouvoir Dissuasif

Les infractions aux règlements édictés pour protéger les parcs nationaux, les zones réservées et à protéger seront punies sévèrement. La loi fixera les châtiments à infliger aux coupables. Des gardes forestiers seront mis en poste en quantité suffisante. Les Ministères concernés notamment ceux:

· De la Justice,
· De l’Intérieur et de la Décentralisation,
· De la Défense Nationale, des Forces Armées, du Service Militaire et du Service Civique.
· De l’Agriculture, des Ressources Naturelles, du Développement Rural et de l’Environnement.

sont chargés de veiller au strict respect des règlements. La dissuasion devra décourager les récalcitrants.

§ Pouvoir Rétributif

On fait le recensement des familles qui ont élu domicile à l’intérieur des parcs nationaux, des zones réservées et des zones à protéger. Ces familles-là sont dites sédentaires par opposition aux nomades qui viennent dilapider les ressources des forêts sur commande. Seules les sédentaires seront protégées et dédommagées. Il n’y a pas de recette universelle pour le dédommagement. Le mode de dédommagement sera fonction des possibilités de réinstallation à l’intérieur de poches choisies dans une zone tampon à la lisière de la forêt (crédit, subvention, assistance diverse, etc…). En définitive, la rétribution doit apporter des récompenses significatives aux populations qui ont été forcées d’abandonner la zone d’influence des parcs nationaux, des zones réservées et à protéger.


7.2 Modalités de mise en œuvre

Les mesures de soutien mentionnées doivent faire l’objet de décrets d’application aussi détaillés que possible. Des comités d’experts doivent aider à leur production accélérée dans un délai ne dépassant pas trente (30) jours à compter de la date de promulgation de la déclaration de l’état d’urgence.
8. COMMENT ENGAGER LE PAYS DANS LE PROCESSUS DE RETABLISSEMNET DE SON EQUILIBRE ECOLOGIQUE

Pour engager le pays dans le processus de rétablissement de son équilibre écologique, il faut:

§ Réduire la pression sur les ressources en bois
§ Réduire la pression sur les sols déclives.


8.1. Réduction de la Pression sur les Ressources en bois

Plusieurs solutions ont été proposées comme éléments de substitution au charbon de bois (fuel, gaz, briquette de résidus végétaux ou de bagasse, énergie solaire, éolienne ou marémotrice, réchauds améliorés, importation de bois ou de charbon de bois, etc…). Moyennant la mise en application d’une technologie appropriée, l’exploitation des dépôts de lignite de Maïssade serait l’une des solutions les plus souhaitables pour les raisons suivantes:

§ Economie de devises
§ Création d’emplois en milieu rural
§ Substitution directe au bois de feu dans les petites industries.

8.2 Réduction de la Pression sur les sols Déclives

Pour réduire la pression sur les sols déclives, il faut:

· Ouvrir de grands chantiers à haute intensité de main-d’œuvre (PHIMO) et à forte circulation de numéraire (FCN).

· Distribuer au moins 20.000 hectares de plaine à 10.000 familles paysannes qui seront membres de coopératives de production à buts multiples.

· Améliorer le système de tenure des terres et le régime foncier dans les bassins versants critiques où le facteur foncier constitue une cause majeure de dégradation de l’environnement.

8.2.1 LES CHANTIERS PHIMO/FCN

Les chantiers PHIMO/FCN comprendront cinq (5) types de projets:
a) Les projets de substitution du bois de feu et du charbon de bois local par diverses catégories de substituts. Ce sont: la bagasse densifiée, le bois importé, le charbon minéral local (lignite) et importé et, enfin, les produits pétroliers. Ce programme de substitution comprendra des projets qui aideront à sa mise en place, comme la fabrication et la vulgarisation de foyers améliorés (réchauds, brûleurs, fours, …).

b) L’exploitation des pierres à pavage de la série oligocène de la région transversale pour la construction de routes, de maisons et pour leur exportation éventuelle.

c) La modernisation de l’exploitation des carrières de matériaux de construction actuellement en opération en vue de leur rationalisation. Cette intervention pourrait être rendue possible par une incitation soutenue auprès des petits exploitants pour les amener à s’organiser en coopératives.

Les actions suivantes pourraient ainsi être entreprises:

- Délimitation des zones d’exploitation susceptibles de répondre à la demande de chaque type de matériaux de construction (pierre de taille, sable à béton, sable à mortier);
- Réhabilitation immédiate des zones endommagées;
- Fiscalisation des produits d’exploitation des carrières.


d) Le projet de Foire Inter-Caribéenne de 1992 (déjà en négociation) comportant la mise en valeur de toute la Côte Septentrionale du pays depuis le Môle St-Nicolas jusqu’à la Baie de Mancenille, avec en plus la mise en valeur de la Plantation Dauphin. Ce projet permettra de diminuer la pression démographique sur les massifs du Nord et du Nord-Ouest.

e) Le projet de création de ville touristique de Malpasse sur la Frontière Haïtiano-Dominicaine qui attirera les assaillants de la Forêts des Pins et promouvra l’exploitation du Lac Azuéi sur une base intégrée (pêche – récréation – réserves animales, etc…).

Les études de faisabilité de ces cinq (5) projets PHIMO/FCN doivent être prêtes dans un délai de six (6) mois. D’autres projets peuvent toujours être envisagés sur le modèle des PHIMO/FCN.

8.2.2 DISTRIBUTION DE TERRE ET COOPERATIVES DE PRODUCTION

Un total de 20.000 hectares de plaine sera distribué à 10.000 familles paysannes tirées des bassins versants critiques qui dominent ces plaines selon la répartition suivante:

TABLEAU No 1: REPARTITION DES TERRES
AUX PAYSANS EN HECTARES


Les critères utilisés pour opérer l’actuelle répartition se basent sur la superficie agricole utile de ces plaines, sur le régime foncier en vigueur et sur les conditions d’exploitation actuelles de parcelles cultivées. D’une façon générale, près des 2/3 des terres de plaine sont sous-utilisées, mal exploitées ou en jachère prolongée. Les terres distribuées ne seront point morcelées à raison de deux (2) hectares par famille mais partagées en unités de production économique selon les besoins des coopératives de production.

Les terres seront d’un seul tenant et choisies dans unes zone stratégique. Les grands propriétaires trouvés sur place (plus de 20 ha.) seront dédommagés et convertis en industriels à l’intérieur des coopératives de production. Les petits propriétaires seront maintenus sur leurs terres et intégrés aux coopératives comme les bénéficiaires du projet de distribution de terre. Les coopératives de production seront à buts multiples (lait, viande, cultures vivrières et agro-industrielles avec les industries de transformation correspondante). Un délai de six (6) mois est accordé pour présenter les études de faisabilité de ces projets. Ces dernières apporteront une réponse aux questions de détail.


8.2.3 AMELIORATION DU SYSTÈME DE TENURE DES TERRES

L’amélioration du système de tenure des terres (indivision, contrats agraires, droits de pacage, etc.) dans les bassins versants critiques où le facteur foncier constitue une cause majeure de la dégradation de l’environnement reste une condition nécessaire au succès de reboisement. Il a été observé par exemple que les terres en indivision sont exploitées abusivement par des cohéritiers et leurs descendants. L’absence de titres de propriété et/ou les frais élevés réclamés par les agents de la loi encouragent cet état de chose. Une assistance juridique adéquate et la fourniture de services gratuits devront être accordées aux paysans concernés pour régulariser de nombreux cas d’espèces dans les versants des rivières suivantes (Grand’Anse, Nippes, Momance, Rivière Grise, Courjolle, Artibonite, La Quinte, les Trois Rivières, Limbé, La Grande Rivière du Nord).


1. CREATION D’UN FONDS D’URGENCE

Un fonds d’urgence "Protection de l’Environnement" sera créé en mobilisant tous les secteurs économiques du pays, principalement ceux concernés par l’exploitation des ressources naturelles (exploitants de carrières, de sables, producteurs de ciment, d’adoquins, utilisateurs de bois de feu, de charbon de bois, de bois d’œuvre, etc.). Cette mobilisation sera traduite par des contributions directes effectuées par:

a) Les camionneurs (taxe spéciale à payer mensuellement par les camions transportant du sable, du bois, du charbon, de l’eau, etc.), au moment de l’inspection au Service de la Circulation des Véhicules;

b) Les producteurs de ciment et d’autres matériaux de construction, sous la forme d’une taxe spéciale à payer sur les quantités produites;

c) Les organisations nationales et internationales ainsi que les particuliers intéressés au financement de ce Programme.


2. DUREE DE L’ETAT D’URGENCE

L’état d’urgence sera déclaré pour une période de trois (3) ans avec trois (3) phases différentes:

· Une phase d’étude Novembre 1988/Mai 1989
· Une phase d’implantation Juin 1989/Décembre 1989
· Une phase d’exécution Janvier 1990/Décembre 1991

Le calendrier proposé tient compte de la possibilité de faire examiner le dossier par le Parlement et la nécessité d’en tenir compte dans le nouveau budget 1988/1989. La Phase I correspond à la mise en mouvement des mesures destinées à la réalisation de l’objectif No 1 (empêcher la coupe des arbres, l’agriculture sarclée, l’élevage livre et l’exploitation des carrières à l’intérieur des parcs nationaux, des zones réservées et à protéger, ainsi qu’à celle des études de faisabilité). La Phase II dite d’implantation permettra la mise en place des préalables indispensables au démarrage de la Phase III. Cette dernière déclenche le processus identifié dans l’objectif No. 2, savoir le rétablissement de l’équilibre écologique.


II.- CALENDRIER D’EXECUTION

Le calendrier d’exécution de l’état d’urgence est ainsi formulé:


TABLEAU No. 2 : CALENDRIER D’EXECUTION DE L’ETAT D’URGENCE



CONCLUSION

L’ensemble des mesures suggérées dans ce document n’est point limitatif. Elles ont été indiquées pour faire comprendre aux uns et aux autres qu’il est temps de sortir des sentiers battus car les programmes traditionnels de reboisement et de reforestation n’ont pas pu arrêter la dégradation de l’environnement. C’est que, dans un environnement de misère généralisée, de sous-emploi et de stagnation agricole, il est impossible de réussir des programmes de reboisement sans des programmes complémentaires de déplacement de population, de création d’emplois et de production de biens et de services.

L’heure est grave. La catastrophe écologique frappe à nos portes. Le pays se meurt physiquement au vu et au su de tout le monde. Il faut agir vite, c’est-à-dire aujourd’hui, pour initier le processus de rétablissement de l’équilibre écologique. Pour ce faire, une seule solution: "L’Etat d’Urgence"


Damien-Haïti
Mars 1988

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire